Grand témoin : Nicolas Noguier – Colloque #JamaisSansElles

Colloque « Pour une gouvernance partagée, #JamaisSansElles, la mixité en action », Hôtel de Lassay, Assemblée nationale, le 17 juin 2019.

Grand témoin : Nicolas Noguier, président fondateur de Le Refuge.

« J’ai grandi en milieu rural où je sentais bien que je n’étais pas comme mes copains d’enfance. Entre 12 et 14 ans, je voyais bien que je n’étais pas attiré par les mêmes choses qu’eux. Je ne comprenais pas pourquoi. De l’école primaire au lycée, j’ai intériorisé tout ça. Je n’ai compris qu’en grandissant que j’étais attiré par les garçons. Dans ce discernement de la différence mais dans l’ignorance de la réaction familiale, j’ai continué à intériorisé en développant des sentiments troublés de honte et de culpabilité. Déjà isolé, je me suis isolé encore plus et muré dans mon silence.

Ce n’est que quelques années après mon entrée à la fac que j’ai pu aborder le sujet avec mes parents, après une période très difficile. Cette libération de la parole, même forcée, a été une vraie délivrance pour moi. J’ai compris que mes parents désiraient simplement mon bonheur et j’ai compris tout simplement ma chance.

Comme je m’étais projeté dans un cas de figure où je serais rejeté, j’ai pensé à ces jeunes qui se retrouvent sans domicile. J’ai eu un déclic, j’ai passé des nuits entières à recueillir des témoignages sur Internet et, petit à petit, est né le concept de Refuge, un Refuge que j’aurais aimé trouver lorsque j’avais 18 ans.

Dans le développement du projet du Refuge, les femmes, qu’elles soient collègues, amies, artistes ou bénévoles, ont toujours été pour moi une source d’inspiration et un repère, à l’image de Tatiana et de Natacha.

Ce n’est pas un hasard si mes forces ont décuplé lorsque nos chemins se sont croisés. J’ai vu combien elles pouvaient bousculer des montagnes.
J’ai toujours été très engagé pour l’égalité entre les femmes et les hommes. L’égalité est, pour moi, l’une des plus belles valeurs de la République aux cotés des valeurs de liberté et fraternité. Je suis persuadé que notre société ne sera apaisée que lorsqu’elle aura convergé vers l’égalité réelle.

Les discriminations sexistes et homophobes ont les mêmes racines sociales fondées sur la position de l’homme qui, dans notre société, a un statut de supérieur et de dominant à assurer. Les insultes homophobes ont très souvent une consonance féminine, l’homme est genrée au féminin. L’homme homosexuel qui n’assume pas son rang d’homme est renvoyé au statut de femme pour souligner son infériorité. Etre une femme est donc un signe d’infériorité.

La lutte contre l’homophobie ne portera ses fruits que si elle s’accompagne d’actions visant à valoriser la place de la femme dans notre société.
Favoriser la mixité et lutter contre le sexisme c’est lutter contre l’homophobie. Les associations LGBT ont donc besoin du soutien des mouvements féministes pour concrétiser leurs actions, tout comme il est du devoir des personnes LGBT de s’engager aux côtés des mouvements féministes.
De mon côté, je suis fier et honoré de faire partie du mouvement #JamaisSansElles qui agit tous les jours pour la mixité et j’engage le Refuge dans un principe de gouvernance partagée. Ainsi, sur 12 administrateurs dirigeants du Refuge 8 sont des femmes et au sein du Bureau nous sommes 4 femmes et un homme. De nombreuses femmes dirigent les équipes régionales à l’image de la délégation francilienne dirigée par une femme depuis de nombreuses années et je suis certain que, sans cette mixité, Le Refuge n’aurait pu réaliser de si belles actions.

Au Refuge nous hébergeons plus de 120 jeunes tous les soirs et plus de 300 jeunes fréquentent nos locaux d’accueil de jour quotidiennement.
Ces jeunes ont été rejetés par leurs parents qui n’acceptent par leur homosexualité ou leur transidentité. Ils se retrouvent à la rue du jour au lendemain et trouvent au sein du Refuge une écoute rassurante ainsi qu’un accompagnement psychologique et social qui leur permettent de reprendre confiance en eux et de retrouver le sourire.

Ces jeunes sont accompagnés par 300 bénévoles et 16 salariés dont majoritairement des travailleurs sociaux.
Le Refuge est présent dans 62 départements de métropole et d’Outre-Mer et gère 17 lieux de vie avec hébergement et accueil de jour.
Au Refuge, les équipes œuvrent au quotidien pour construire un monde plus juste, éduquent et sensibilisent les jeunes à la solidarité et au respect des autres jeunes, de l’équipe et de chaque être humain de façon générale. Il s’agit de lutter contre le repli sur soi et d’expérimenter une solidarité active.

Les différents dispositifs du Refuge constituent de véritables terreaux de l’égalité : les équipes y enseignent le vivre-ensemble et le respect de l’un et de l’autre quels que soient sa couleur de peau, son pays d’origine, son ethnie, son genre, son orientation sentimentale et sexuelle, son handicap…

En effet, au sein du Refuge coexistent des jeunes tous différents : français, étrangers, d’ethnies différentes et parfois en guerre dans leur pays, croyants ou pas, pratiquants ou pas, musulmans, chrétiens, juifs…

Nos équipes travaillent tous les jours à déconstruire les préjugés et à lutter contre les réflexions sexistes parfois au sein des jeunes accompagnés et régulièrement lors des interventions en milieu scolaire. Ce travail de déconstruction des préjugés est un vrai travail de fourmi tellement les schémas sexistes sont ancrés dans notre société.

Le sexisme et l’homophobie sont également très présents sur les réseaux sociaux à tel point que l’on parle de haine anti-LGBT. De nombreux jeunes qui contactent Le Refuge indique avoir été harcelés et ont vécu des situations épouvantables.

La lutte contre le cyber-harcèlement est une priorité du Refuge qui a été reçu, à ce titre, par le Ministre Cédric O en mai dernier.

Grâce à #JamaisSansElles et à tous ses partenaires nous pouvons rêver d’un monde meilleur, de gouvernance partagées et d’une société apaisée. »


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