Lors de la cérémonie de signature au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, à l’Hôtel du ministre, Tatiana F-Salomon, présidente-fondatrice du mouvement #JamaisSansElles, a prononcé un discours marquant.
Le 16 septembre 2025, aux côtés de la secrétaire générale Anne-Marie Descôtes, elle a signé une charte #JamaisSansElles, promouvant un féminisme humaniste. Ce charte engage le réseau diplomatique à encourager la mixité, organiser des événements mixtes, combattre les biais sexistes dans l’IA et soutenir la journée #JamaisSansElles dédiée à la jeunesse.
Madame la Secrétaire générale, chère Anne-Marie Descôtes,
Chère Marie-Anne Barbat Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers
Cher Etienne Parizot, vice-président de #JamaisSansElles, co-chef de la délégation française du Women 20 du G20.
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis particulièrement heureuse de prendre la parole aujourd’hui, dans ce lieu sublime qu’est le Quai d’Orsay, à l’occasion de la signature de la charte de #JamaisSansElles qui concrétise notre partenariat avec le ministère, et porte notre ambition de promouvoir un féminisme humaniste et universaliste, un féminisme à la française, en France, en Europe et à travers le monde.
Chère Anne-Marie, vous êtes la première femme à avoir été nommée secrétaire générale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et nous sommes très fiers de votre confiance, et que ce soit vous qui représentiez aujourd’hui ce ministère.
Cette charte représente une étape importante dans un partenariat qui s’est engagé très rapidement après la création du mouvement #JamaisSansElles en 2016. Dès le 8 mars 2018, au Centre de conférence ministériel, #JamaisSansElles avait lancé, avec le soutien de Nathalie Loiseau, David Martinon, Pauline Carmona, Muriel Domenach et de « Femmes et Diplomatie », un appel aux diplomates français à s’engager en faveur de la mixité. Cette initiative, largement relayée sur les réseaux sociaux, avait rencontré un vif succès, avec le soutien et l’adhésion, dès ce jour, d’environ 25 % des ambassadeurs. C’est aussi à cette occasion que le ministère avait officialisé sa stratégie de diplomatie féministe pour la France.
La journée nationale #JamaisSansElles dédiée à la jeunesse, devient journée internationale
Aujourd’hui, nous allons plus loin, avec cette charte qui engage l’ensemble du ministère et du réseau diplomatique français – ambassades et consulats – à agir en faveur de la mixité, en donnant toute leur place aux femmes dans les événements et les cercles de décision, en luttant contre les biais sexistes, notamment dans l’intelligence artificielle, et en participant à la journée nationale #JamaisSansElles dédiée à la jeunesse, qui devient ainsi une journée internationale.
Merci à vous, ainsi qu’à Laetitia Pierrat et à toute l’équipe de la task force du ministère, d’avoir rendu cela possible.
Chère Anne-Marie, j’ai eu la joie de vous rencontrer à Berlin, en 2018, où j’étais invitée en tant que représentante de #JamaisSansElles par le ministre allemand des Affaires européennes, Michael Roth, qui a adopté notre engagement et l’a fait connaître en Allemagne. Vous étiez alors ambassadrice de France dans ce pays et c’est à ce titre que vous avez signé l’appel de #JamaisSansElles. Vous avez aussi été la première à organiser un événement pour présenter #JamaisSansElles dans une ambassade de France. À cette occasion, nous avons rencontré des féministes allemandes remarquables. Et je garde un souvenir merveilleux de votre accueil bienveillant, de votre enthousiasme et de votre générosité.
Réconcilier les femmes et les hommes
Permettez-moi maintenant de partager très brièvement avec vous l’histoire de #JamaisSansElles, et surtout sa vision, née d’une ambition simple mais presque révolutionnaire : réconcilier les femmes et les hommes pour construire ensemble un monde plus juste, plus équitable, plus humain, guidé par l’humanisme et le féminisme universaliste, sans oublier la beauté (à laquelle j’ajouterais la bonté) qui, comme le dit Dostoïevski, sauvera le monde.
Je ne suis pas née en France, mais j’ai été élevée avec pour boussole l’humanisme et les valeurs de la République française. Je suis devenue française par amour pour ce pays, où je suis arrivée à l’âge de 24 ans pour y séjourner une année, afin de goûter au plus près cet esprit si singulier, si libre, qui est l’esprit des Lumières, richesse immatérielle. Ce fut un véritable coup de foudre entre la France et moi. Je n’en suis plus jamais repartie !
Aujourd’hui, même si je n’aime pas me définir, je suis profondément et fièrement française, de cœur et d’âme ! Je suis également fière de mon héritage, issue d’une lignée de femmes juives exceptionnelles, libres et courageuses, qui ont fui l’Ukraine et ses pogroms pour s’installer au Brésil, via le Portugal.
Cette histoire est la source de mon engagement de toujours. J’ai fait des mots du grand Victor Hugo une devise : « Tenter, braver, persister, persévérer, s’être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ! »

Je l’ai dit, #JamaisSansElles est née du rêve d’unir femmes et hommes dans un féminisme humaniste et universaliste, pour le bénéfice de tous. Pendant longtemps, j’ai tenté d’intégrer les hommes dans les combats féministes, et j’ai… largement échoué pendant des années ! (Rires) Non pas à cause des hommes, d’ailleurs, mais, déjà, à cause de l’opposition de certains mouvements féministes qui ne voulaient pas vraiment voir des hommes s’associer à leur lutte. Allez savoir pourquoi…
J’ai donc créé une première association humaniste et écologiste, Les Humains Associés, il y a 40 ans. Ce fut un très grand succès à travers la France, et je crois pouvoir dire que nous avons contribué à éveiller les consciences en ce domaine (notamment avec le jour de la terre).
Petit à petit, grâce à cet engagement, j’ai réussi à rallier des hommes à la cause de l’égalité ! C’est ainsi qu’en 2016, nous avons créé le mouvement #JamaisSansElles, popularisé par le succès de notre hashtag, qui a touché des millions de personnes en France, dans la francophonie et dans le monde.
L’idée de départ était simple : que les dirigeants s’engagent à ne plus prendre la parole sans les femmes, donc plus jamais sans elles ! De nombreux dirigeants ont adopté ce principe. Puis, à travers des chartes d’engagement, nous avons encouragé les entreprises et organisations à ne plus organiser d’événements non mixtes. Ensuite, nous avons promu un pacte très diplomatique, un pacte de non-agression entre femmes et hommes, avec pour mot d’ordre : le partage et la réconciliation. Notre ambition est que la culture de l’égalité fasse partie intégrante de la culture des entreprises et des institutions.
Pour cela, il a fallu, et il faut toujours dialoguer, argumenter, rappeler que les femmes représentent la moitié de l’humanité et que nous ne demandons ni grâce ni faveur, mais la reconnaissance, à aptitude égale, d’une légitimité pleine et entière pour participer à la gouvernance du monde !
Aujourd’hui, diverses entreprises et organisations, dont l’Institut français et l’Autorité des marchés financiers, tous deux dirigés pour la première fois par une femme, sont engagées avec nous, ainsi que 3 000 dirigeants à travers le monde.
Au niveau international, nous comptons des ambassadeurs de France #JamaisSansElles, ainsi que des PDG, des comités exécutifs et dirigeants qui nous soutiennent au quotidien. Merci à tous ceux qui appliquent ces engagements, rééquilibrent leurs équipes, leurs événements et leurs cercles de décision !
Tout cela est très bien. Mais à vrai dire, dix ans après nos premiers pas, le monde a beaucoup changé ! Tandis que nous œuvrons à l’établissement d’un monde plus humain, féministe au sens d’une gouvernance réellement partagée, d’autres forces agissent de manière régressive, et à bien des égards, non seulement les droits des femmes n’ont pas progressé, mais ils ont parfois reculé. En certains lieux, dans certains environnements, ils ont même été anéantis.
La place des femmes dans une société est symptomatique de son état plus général, et force est de constater qu’en effet, le monde ne va pas bien.
Or la place des femmes dans une société est symptomatique de son état plus général, et force est de constater qu’en effet, le monde ne va pas bien. De nombreuses menaces pèsent actuellement sur l’humanité. Il y en a toujours eu, et il y en aura toujours. Guerres, famines, bouleversements climatiques, haine, violence… Les femmes sont souvent en première ligne lorsque les digues de la civilisation commencent à céder.
Mais j’ai une infinie confiance en l’être humain, en ses capacités et en l’avenir de l’humanité.
Car comme le dit le poète Hölderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. »
À nous de nous mobiliser, ensemble, de « tenir bon, tenir tête ». Alors, comme dit Nietzsche, en dépit du chaos du monde, nous pourrons « accoucher d’une étoile qui danse » !
C’est précisément dans ce but que nous avons entrepris de développer des actions importantes en faveur de ce que je crois absolument fondamental : la transmission !
Nous vivons dans un monde en pleine mutation. La déferlante numérique et des réseaux sociaux n’a pas encore été absorbée dans nos modes d’organisation et de régulation sociale, que déjà se présente le défi vertigineux de l’intelligence artificielle. Un nouveau paradigme est en train d’émerger, et nous savons que nous avons à faire du neuf avec du neuf.
Aujourd’hui, la véritable révolution est de comprendre que l’évolution se poursuit désormais dans l’immatériel. Car ce nouveau paradigme repose principalement sur la prédominance de l’esprit sur la matière, autrement dit sur l’intelligence.
J’échange avec de nombreux jeunes, et c’est ce que je leur dis. Il est normal qu’ils s’interrogent sur leur avenir, qu’ils se demandent où va le monde, où va l’humanité. Mais il n’est pas question de sombrer dans le nihilisme et la désespérance. Charge à nous, au contraire, de transmettre ces valeurs humanistes, cette foi en une humanité unie, qui sont la clé de notre avenir, de leur avenir, en adoptant une approche à la fois transgénérationnelle et transdisciplinaire.
En vue de cette transmission, que je crois essentielle, nous avons lancé la journée #JamaisSansElles dans les collèges et lycées, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, sous l’impulsion de Jean-Michel Blanquer, pour sensibiliser à l’égalité filles-garçons, renforcer la confiance et l’ambition des filles, et accompagner les garçons dans l’évolution de leurs mentalités et de leurs comportements.

Nous avons également développé un Pôle junior au sein de notre mouvement, avec des étudiants et des associations de jeunes qui ont compris les enjeux et souhaitent agir avec nous. Avec la Confédération Nationale des Juniors Entreprises et les Juniors entreprises de plus de 30 écoles partout en France, nous mettons en place des actions menées par des étudiantes et étudiants. Car là aussi, on pourrait penser que les choses s’améliorent, mais de récentes études montrent que, même chez les jeunes, les biais et stéréotypes sexistes augmentent de manière inquiétante.
À travers ce Pôle junior, notre ambition est également de repérer des jeunes femmes et des jeunes hommes prêts à s’engager, et de contribuer à faire émerger une nouvelle génération de leaders !
Nous sommes tous, femmes et hommes, habitants du même vaisseau mère qu’est la Terre, une seule humanité, un seul organisme.
Pour conclure, je dis à nos jeunes que nous sommes tous, femmes et hommes, habitants du même vaisseau mère qu’est la Terre, une seule humanité, un seul organisme. Il faut en prendre conscience. L’humanité, c’est nous, et elle est une et indivisible ! Il nous faut d’urgence réapprendre à vivre ensemble et au présent, mais aussi avoir un projet commun, participer à la création d’un monde véritablement humain, où nos différences et la variété de nos points de vue sont sources de richesse, permettant une fusion unificatrice, loin de la confusion et des divisions !
J’aime à penser que, tels des jardiniers, nous avons comme tâche – je dirais même comme responsabilité – non seulement de semer des graines, mais aussi de veiller à ce qu’elles arrivent à la floraison, de cultiver et de transmettre notre savoir, nos valeurs acquises, socle de notre civilisation ! Et que négliger cela ne serait rien d’autre qu’éteindre les Lumières que l’Humanité a tant souffert pour conquérir.
Donc, pour résumer tout cela en deux mots : transmettre, et essaimer, aussi largement que possible.
Et pour cela, quoi de mieux que le ministère des Affaires Étrangères, dont l’influence s’étant sur l’ensemble de la planète !
Alors mille mercis à vous, Madame la Secrétaire générale, au ministère, à la diplomatie française, pour ce partenariat.
Et merci aux amis, aux soutiens et aux partenaires présents aujourd’hui.
Nous comptons sur vous et ne doutons pas qu’ensemble, tous ensemble, nous parviendrons à un monde gouverné par des femmes et des hommes de bonne volonté, pour le bien de tous, c’est-à-dire de l’humanité.
Car rappelons-le pour finir, notre féminisme est un humanisme.



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