Se réapproprier le numérique pour un monde plus humain : les points clés du workshop #JamaisSansElles à l’IGF 2018



Workshop : « Diversité de genre et participation démocratique : se réapproprier les Technologies de l’Information et de la Communication (TICs) pour un monde plus humain » (Gender Issues and Democratic Participation: reclaiming ICTs for a Humane World).

Intervenants : Sophie Viger, directrice générale de l’école 42 à Paris et dans la Silicon Valley, Sacha Quester-Séméon, entrepreneur et membre fondateur de mouvement #JamaisSansElles, Ankhi Das, directrice des politiques publiques pour Facebook Inde, Asie du Sud et centrale, Isabelle Galy, directrice déléguée aux opérations du Learning Lab « Human Change » à l’Ecole d’ingénieur du CNAM, Asad Baig, fondateur et directeur exécutif de Media Matters for Democracy, Pakistan, Bishakha Datta, réalisatrice et activiste, fondatrice de l’ONG Point of View, Inde, Noha Ashraf Abdel Baky, analyste sénior chez Dell, Egypte. Débat co-animé par Sylvain Attal et Sheetal Kumar.

À l’occasion de la 13e édition du Forum sur la Gouvernance de l’Internet (Internet Governance Forum, IGF) organisée annuellement par le secrétariat général des Nations-Unies, #JamaisSansElles a organisé, en co-élaboration avec Media Matters for Democracy (Pakistan), un workshop consacré aux enjeux de la diversité de genre au sein du cyberespace.

L’IGF a pour but de réunir toutes les parties prenantes et de les encourager à débattre sur l’ensemble des questions de politique publique relatives à l’Internet. Il permet aux participants d’échanger et de s’informer mutuellement sur les bonnes pratiques à adopter.

Le workshop co-animé par #JamaisSansElles a examiné comment l’utilisation des outils numériques et des réseaux peut contribuer à mettre en place, d’une part, les conditions d’une réelle inclusion des femmes dans tous les secteurs de l’espace public et professionnel et, d’autre part, des processus démocratiques nouveaux, plus efficaces et plus réactifs.

Se réapproprier le numérique pour un monde plus humain : les points clés du workshop

Pour créer un monde numérique plus mixte, l’éducation est une question clé.

??‍?Pour créer un monde numérique plus inclusif, la question de l’éducation est centrale. Le système éducatif lui-même, en particulier dans les domaines des STIAM (sciences, technologie, ingénierie, arts et mathématiques), doit évoluer et s’adapter pour devenir plus accueillant envers les femmes et les jeunes filles.

Sophie Viger, directrice générale de l’école 42 a souligné « l’importance de la place donnée aux jeunes filles ou femmes : dans les écoles de code, il faut leur réserver un espace mixte et accueillant. » Elle estime que l’amélioration de la situation peut déjà passer par des actions simples comme « un accueil dédié aux filles » ou la condamnation de propos misogynes tenus par des étudiants.

L’école 42 a pris des mesures pour augmenter la part des femmes, qui n’est actuellement que de 15%, et pour réduire le sexisme dont il est établi qu’il se renforce lorsque les femmes sont trop minoritaires. L’établissement va ainsi réserver 50% des places aux femmes dans les entretiens de préparation à la sélection et envisage des sessions de coaching pour y préparer les jeunes filles.

Les écoles qui permettent aux filles et aux minorités à faible revenu d’accéder à une éducation dans le domaine des nouvelles technologies, du codage et de l’ingénierie, devraient être encouragées. Elles devraient également tester de nouvelles méthodes pédagogiques à destination des étudiants marginalisés ou en difficulté. Le numérique peut ainsi devenir un puissant outil d’autonomisation et d’inclusion digitale.

Diversité des genres sur Internet, la sécurité en ligne est un besoin fondamental.

La sécurité en ligne est un pré-requis. Pour parvenir à l’inclusion numérique et à une diversité des genres équilibrée sur Internet, la sécurité en ligne est un besoin fondamental. De fait, les discours de haine et le harcèlement en ligne empêchent ou limitent considérablement la participation politique des femmes et des personnes de genre non binaire. C’est pourquoi le secteur privé, en particulier les plateformes numériques et réseaux sociaux, doit prendre ses responsabilités dans ce domaine. Une action « d’évaluation d’impact humain » doit permettre en premier lieu de mesurer les conséquences de discours de haine envers les femmes et les personnes non binaires (LGBT+).

Visibilité des femmes et accès aux postes clés

Parmi les premières actions à mener, il y a celle de rendre les femmes plus visibles et influentes en leur donnant la parole et en renforçant la création et la diffusion de contenus en ligne mettant en valeur des rôles-modèles féminins.

Pour réellement changer les choses, il faut des engagements concrets. #JamaisSansElles promeut la diversité de genre et l’inclusion des femmes dans tous les secteurs de la société, par une action très simple et très directe, ne nécessitant aucune réglementation particulière et pouvant être appliquée par quiconque, immédiatement : en signant la charte fondatrice lancée en 2016, les hommes s’engagent à ne jamais figurer dans un panel, intervenir dans une conférence ou participer à un comité d’experts si aucune femme n’y est présente.

L’association a ainsi obtenu d’excellents résultats en termes de participation publique et de visibilité des femmes, notamment dans les événements de l’économie numérique, en s’appuyant sur le soutien de dirigeants masculins (250 signataires fin 2018) qui ont pris cet engagement à titre personnel. Cela s’est avéré remarquablement efficace et a encouragé les organisateurs d’événements ou de comités de toutes sortes à être attentifs à l’équilibre femmes-hommes.

Le mouvement s’est ensuite étendu au monde politique, et de nombreux députés et sénateurs ont signé la charte #JamaisSansElles. Et dans la mesure où les médias sociaux sont désormais très efficaces pour diffuser des images de groupes de discussion ou de tables rondes exclusivement masculines en leur associant le hashtag #JamaisSansElles, de tels engagements ne peuvent pas se limiter à des déclarations verbales. ils doivent être effectifs : les citoyens veillent !

Mais la question de la visibilité n’est que la partie émergée de l’iceberg, comme le souligne Sacha Quester-Séméon de #JamaisSansElles. L’association met également l’accent sur l’accès des femmes aux postes clés de direction et de décision dans tous les domaines, et insiste sur leur égale reconnaissance et participation dans tous les secteurs de la société, pour une gouvernance partagée.

C’est dans cet esprit que le mouvement a également créé une charte d’entreprise, destinée aux entreprises souhaitant créer un cercle vertueux pour attirer les femmes à tous les niveaux. Cela passe par des actions tenant compte du contexte et des opportunités propres à ces entreprises, initiées en collaboration avec des associations actives sur le terrain. Microsoft France a ainsi été la première entreprise signataire de cette charte #JamaisSansElles.

Nécessité d’une interaction multi-partite au sein des institutions internationales pour obtenir des résultats concrets

Les gouvernements et les institutions ne peuvent agir en faveur de l’égalité des genres et d’une égale reconnaissance et participation des femmes et des personnes non binaires (LGBT+) dans le monde numérique, sans impliquer l’ensemble des acteurs de la gouvernance d’Internet, ce qui inclut la société civile ainsi que le secteur privé. C’est le principe de l’approche multi-partite, et elle est indispensable.

En tant qu’association, #JamaisSansElles participe activement à cette approche multi-partite en faisant la liaison entre des dirigeants, des entreprises, des réseaux féminins, et en étant partie prenante du Women20, groupe d’engagement officiel du G20, qui rassemble les expertises d’organisations de femmes de la société civile et de femmes entrepreneurs du monde entier.

L’objectif principal du W20 est d’influencer les décideurs des pays du G20 pour qu’ils investissent dans le développement économique des femmes, en vue d’un développement plus inclusif. En tant que Délégué pour la France, #JamaisSansElles a porté plusieurs recommandations pour une égale participation des femmes dans le développement de l’Internet, du numérique et de l’intelligence artificielle. (Cf aussi notre intervention à l’Open Forum organisé par le Japon et la France à l’IGF 2018 : « L’approche multi-partite dans les discussions du G20 et du G7 relatives à l’économie numérique et à l’égalité des genres »)

Les biais dans l’intelligence artificielle

Recommandation 12 du W20 « Assurer la participation des femmes au développement et à la modification d’algorithmes en intelligence artificielle afin d’éviter les préjugés sexistes. « 

#JamaisSansElles intervient également sur la question de la présence des femmes  dans le domaine de l’intelligence artificielle, où les biais sexistes peuvent se cristalliser durablement et perturber en conséquence notre perception et nos décisions. Or, d’après une enquête menée par le magazine Wired et la start-up canadienne Element AI, seuls 12% des leaders dans le domaine du machine learning sont des femmes. Et les femmes ne représentent que 10% des salariés de Google qui travaillent sur l’intelligence machine, et 15% de l’équipe IA de Facebook.

Une recommandation du W20 concerne spécifiquement la participation des femmes dans l’IA.

? À l’IGF 2018 à l’Unesco #JamaisSansElles a lancé une charte pour les acteurs de la gouvernance d’Internet avec ISOC France, Reporters Sans Frontières et Renaissance numérique pour l’égale reconnaissance et participation des femmes dans le numérique. Ne laissons pas de côté la moitié de l’humanité !

Une charte #JamaisSansElles pour une gouvernance de l’Internet inclusive

À l’occasion de l’IGF 2018, #JamaisSansElles a lancé à l’Unesco une charte des acteurs de la gouvernance de l’Internet pour une reconnaissance et une participation égales des femmes dans le monde numérique. ISOC-France, Reporters sans frontières et Renaissance numérique en sont les premiers signataires.

Cette charte comprend trois engagements :

« Ne jamais organiser ni participer à des conseils, groupes de travail, instances de décision ou événements publics qui, au-delà de trois participants, n’incluraient pas au moins une femme. »

« Oeuvrer pour l’égale reconnaissance et participation des femmes dans tous les secteurs de la société, grâce au numérique et au sein du numérique. »

« Veiller à l’élimination des divers biais, notamment de genre, et notamment dans les algorithmes dérivés de l’intelligence artificielle, dont l’impact sur nos vies et notre citoyenneté est de plus en plus fort. »

Les messages clés de l’IGF 2018

Le communiqué final de l’IGF a repris des messages clés de notre mouvement : « Les femmes et filles représentent la moitié de la population. La révolution numérique devrait être un outil d’autonomisation et d’émancipation, encourageant l’égalité des chances pour les femmes et les hommes de tous les pays. » (Retrouvez la traduction française du communiqué de l’IGF 2018 ici.)

Les chiffres clés du fossé numérique qui touche les femmes à travers le monde sont également mis en avant dans une infographie.

Dans 2 pays sur 3, les femmes utilisent Internet moins que les hommes. En Afrique, 25% moins de femmes que d’hommes utilisent Internet. Plus de femmes que d’hommes utilisent Internet sur le continent américain, où les pays affichent également un score élevé en matière de parité hommes-femmes dans l’enseignement supérieur. Dans les pays les moins avancés (PMA), 1 femme sur 7 utilise Internet, contre 1 homme sur 5.

Retrouvez ici le compte-rendu complet de ce workshop en anglais.

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