Actuellement, les femmes ne représente qu’un tiers des salariés du numérique, contre 53% toutes branches confondues. Pour Guy Mamou-Mani, co-président de l’association #JamaisSansElles et vice-président du Conseil national du numérique, il faut que cela change. Voici sa tribune parue dans l’Express.
Le 23 mai dernier, je participais à l’Elysée à l’anniversaire de la « Nouvelle France Industrielle« . A cette occasion, le président de la République François Hollande et le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique Emmanuel Macron ont dressé un bilan des actions engagées, dont la création de l’Alliance Industrie du Futur. Entre leurs interventions respectives, six personnalités industrielles, dont trois femmes, sont venues apporter leur témoignage sur l’importance des transformations en cours et l’impact du numérique sur les métiers.
Il y a un peu plus de six mois, j’assistais dans les mêmes salons de l’Elysée à la conférence numérique franco-allemande, au cours de laquelle François Hollande et Angela Merkel plaidaient pour une coopération accélérée entre leurs deux pays sur le numérique, afin de permettre à l’Europe d’être « à l’avant-garde » de l’industrie du futur.
Je constatais, à l’inverse, que la table-ronde qui suivait immédiatement l’échange d’allocutions entre le président français et la chancelière allemande était 100% masculine. Choqué au moins autant que pouvaient l’être mes consoeurs du numérique dont je sais les talents, j’ai pris alors l’engagement suivant : « A partir de maintenant, je vérifierai les participants aux tables rondes et refuserai toute participation s’il n’y a pas de femmes ».
La fin des tables rondes exclusivement masculines
En nous appuyant sur le travail de Tatiana F-Salomon et Natacha Quester-Séméon, entrepris de longue date sur ces sujets à travers le club Girl Power 3.0, nous avons lancé le mouvement citoyen #JamaisSansElles pour porter cet engagement. Vite rejoint par des personnalités du monde numérique, politique, des médias et de l’éducation, ce mouvement a rencontré un vif succès et a permis de faire changer la composition de tables rondes qui, sans son intervention, seraient restées exclusivement masculines…
Gageons que ces progrès ne sont pas éphémères mais reflètent un réel changement de mentalité, comme on peut déjà le constater dans l’évolution des tables rondes organisées à l’Elysée et ailleurs.
En la matière, nous avons tous notre part de responsabilité et rien ne changera véritablement tant que nous n’aurons pas répondu, tous autant que nous sommes, à l’appel véhément que nous avons lancé, ce qui suppose d’avoir compris le sens de ce « combat citoyen ».
Les femmes, sous-représentées dans le numérique
#JamaisSansElles vient d’une réponse à la problématique de l’industrie du numérique, qui n’attire pas assez les jeunes filles et aspire à un changement de société par le numérique qui vise ni plus ni moins à la rendre plus humaine en donnant à la composante féminine majoritaire en nombre mais sous-représentée la juste place qui lui revient dans la société.
#JamaisSansElles joue, de ce point de vue, un rôle instrumental. C’est l’outil qui, grâce à l’effet « caisse de résonance » des médias sociaux (20 millions de personnes touchées sur Twitter), permet d’obtenir simplement et efficacement plus de diversité et de mixité dans les événements mais aussi dans la société.
Il ne faut jamais oublier que nous sommes dans un secteur où les femmes ne sont pas assez présentes: un tiers de femmes parmi les salariés du numérique, contre 53% toutes branches confondues selon une enquête Syntec Numérique et 13% dans les écoles d’ingénieurs.
Elles sont sous-représentées dans les technologies de pointe pour toutes sortes de raisons. Les jeunes filles ne choisissent pas ces carrières, notamment parce que des idées reçues, encore très répandues dans la société, les en dissuadent.
Un besoin de modèles
Il faut s’intéresser aux origines de ces idées, si tant est que nous voulions faire évoluer les mentalités des uns et des autres, par exemple à l’idée selon laquelle les métiers du numérique seraient des métiers d’hommes où l’imagination et la créativité n’ont pas leur place.
C’est dire l’importance d’avoir des modèles dans lesquels les jeunes filles peuvent se reconnaître. Voir une femme du numérique, même en vidéo, parler d’innovation par le design peut donner à ces jeunes filles le goût de suivre son exemple: « Ca peut être un métier pour moi ». #JamaisSansElles, c’est le mouvement qui permet de rendre plus visibles les femmes qui réussissent dans le monde du numérique.
Ce qui, personnellement, me rend optimiste quant aux changements escomptés des mentalités dans notre pays s’agissant de l’équilibre hommes-femmes à trouver au sein de nos professions, c’est l’évolution du numérique lui-même, dont l’empreinte dans nos existences est de plus en plus forte. Les technologies numériques transforment à un rythme inédit toutes les facettes de notre existence, des voitures autonomes aux assistants virtuels.
Le numérique nous conduit inéluctablement vers un changement de société, introduit dans nos organisations de nouvelles méthodes de management, une gouvernance plus éclatée, des modalités, un rythme et une durée de travail qui n’auront que peu de chose à voir avec ce que nous connaissons. La révolution du télétravail n’a pas encore été faite. Les codes sont en train de changer. De nouvelles formes de travail collaboratif restent encore à inventer.
« Plus d’ouverture d’esprit, plus d’organisation »
Toutes ces « ruptures », actuelles et à venir, vont permettre à la diversité de s’exercer. Elles requièrent plus d’ouverture d’esprit, plus d’organisation, moins de « présentéisme » (être de 8h à 21h au bureau pour « être un bon »), toutes caractéristiques qui devraient plaire aussi bien à la population féminine que masculine et, surtout, assurer aux femmes la place qui leur revient dans l’édification du monde de demain.
Encore faut-il pour qu’elles puissent prendre une part active à la transformation numérique en cours et pouvoir influer sur les changements économique et social qui se dessinent qu’elles représentent une proportion plus importante des emplois du secteur, ce qui ne dépend pas que de nous, les hommes.
Les femmes doivent faire la découverte à leur tour de tout le potentiel que recèle le numérique. Elles doivent se rendre compte par elles-mêmes qu’il est une source de créativité et d’inspiration bien éloignée des clichés qui ont pu les tenir éloignées du secteur.
Guy Mamou-Mani, co-président de l’association #JamaisSansElles, vice-président du Conseil national du numérique, co-président du groupe OPEN, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, président du Syntec numérique.
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