Article actualisé le 6 mars 2019
Le débat suscité par une photo d’un panel 100 % masculin lors de la conférence numérique franco-allemande qui avait eu lieu à l’Elysée en octobre 2015, a amorcé la réflexion qui conduira à la création du mouvement #JamaisSansElles.
Quel est le rapport entre Angela Merkel, une conférence à l’Élysée et un Club d’entrepreneurs du numérique ? #JamaisSansElles !
Le 27 octobre 2015 s’est tenue au Palais de l’Elysée une conférence franco-allemande sur le Numérique.
En voyant passer la photo d’un panel 100% masculin, les fondatrices du club Girl Power 3.0, Natacha Quester-Séméon et Tatiana F-Salomon donnent l’alerte. Elles interpellent le Service Communication du Palais de l’Élysée ainsi que Benoît Thieulin, président du Conseil National du Numérique, via un tweet : « Femmes absentes de la tribune et très rares dans l’assistance : bien triste de voir ça encore en 2015 ! »
Une conférence à l’Élysée 100% masculine
Femmes absentes de la tribune & très rares dans l'assistance,bien triste de voir ça encore en 2015! #ConfNum #femmes pic.twitter.com/q4JlGwMMDn
— girlpower3 (@girlpower3) October 27, 2015
Est-ce parce que la conférence se déroule en présence d’Angela Merkel que l’image de ce panel 100% masculin a particulièrement choqué ?
Le débat qui s’ensuit sur Twitter est vif (cf tweets ci-dessous). Axelle Lemaire, qui était Secrétaire d’Etat au Numérique, réagit rapidement, ainsi que des hommes comme Benoît Thieulin (président du CNNum) et Guy Mamou-Mani (Président de Syntec numérique). Ce dernier déclare dans Le Point : « C’est ce tweet qui m’a soudainement fait prendre conscience de l’incongruité de la situation. L’événement était 100% masculin ». Ce jour-là, sur Twitter également, il prend un engagement en moins de 140 caractères : celui de refuser toute participation à une conférence qui ne compterait aucune femme. Toujours sur Twitter, Henri Verdier prend à son tour le même engagement.
Quelques semaines plus tard, tous les protagonistes de cet échange se retrouvent chez Gilles Babinet à l’occasion d’une réunion du Club des Gentlemen avec notamment Benoît Thieulin et Jean-Michel Blanquer, Xavier Alberti, Henri Verdier, Rubin Sfadj, Etienne Parizot, Alexandre Jardin…
Le Club des Gentlemen lance l’appel #JamaisSansElles en janvier 2016
Ce groupe d’entrepreneurs et de personnalités du numérique, humanistes, acteurs et promoteurs du débat citoyen, tous engagés dans la transformation digitale de la société, est présidé conjointement par Tatiana F-Salomon et Guy Mamou-Mani. Tous deux proposent alors de lancer un appel commun. Le soir même, le groupe tombe d’accord sur le nom de l’initiative : #JamaisSansElles est né !
Dès le lendemain Tatiana rédige l’Appel qui sera publié dans le magazine Le Point le 23 janvier 2016.
Rapidement, le fait que des hommes s’impliquent et s’engagent individuellement aux côtés des femmes en faveur de la mixité et de l’égalité hommes-femmes se révèle être un formidable atout.
Le flot de tweets et de réactions positives circulant sur Twitter eut de quoi surprendre les initiateurs du mouvement. Deux heures après la parution de l’Appel, le hashtag se place en trending topics. Le succès est instantané. De nouvelles personnalités de tout premier plan s’engagent : Alain Juppé, Jacques-Antoine Granjon, Nicolas Sekkaki, Philippe Saurel, une quarante de dirigeants se joignent spontanément à l’initiative.
Un mouvement citoyen disruptif
La nouveauté et le caractère disruptif du concept de #JamaisSansElles font aussitôt du hashtag l’un des plus partagés de sa catégorie (voir notre top 10 de 2016-2019) et du mouvement éponyme un acteur incontournable dans le domaine. De fait, les Gentlemen sont très actifs sur Twitter et cumulent à eux tous plus de 600 000 followers.
Le mouvement devient une association et se dote d’un Conseil féminin, avec Laurence Parisot et Nathalie Kosciusko-Morizet, et dont les membres cumulent 1,2 million de followers.
Les organisateurs de conférences sont également surpris par cette vague de dirigeants de grande renommée qui s’engagent. L’engouement #JamaisSansElles propulse la question de la mixité sur le devant de la scène : la composition des panels, des plateaux TV, des Conseils d’administration, la place des femmes dans la culture, les sciences ou encore le sport, tout est commenté sous l’angle de la mixité et de la reconnaissance du rôle, de la légitimité et de la présence des femmes aux côtés des hommes sur le devant de la scène !
Face à cette exigence citoyenne sinon nouvelle, du moins nouvellement visible et facilement exprimable, les organisateurs d’événements se trouvent parfois pris de cours, et commencent à solliciter #JamaisSansElles pour trouver des intervenantes. Certains même, comprenant l’importance de l’enjeu et désireux de se joindre à leur manière au mouvement, font la démarche d’obtenir pour leur conférence le label #JamaisSansElles, se fixant des règles de mixité et d’équilibre bien plus rigoureuses que ce qu’ils pratiquaient jusqu’alors.
Le hashtag #JamaisSansElles est le 4e hashtag symbole d’un mouvement collectif en France
Du côté des citoyens, le mouvement reçoit également un écho et un soutien inattendus. La communauté active sur Twitter contribue à travers une vigilance citoyenne au fact checking concernant les signataires et événements. Le public veille et partage. Une photo d’un plateau 100% masculin ne laisse plus indifférent ni les femmes, ni les hommes. Et l’heure n’est plus à la simple déclaration ou à l’affichage de bonnes intentions.
Pour l’association, « #JamaisSansElles, c’est le respect des engagements et de la parole donnée. C’est la mise en œuvre d’actions concrètes pour la mixité. » Elle précise, « il ne s’agit ni de s’opposer, ni de s’imposer, mais de collaborer » et insiste pour rappeler que la bienveillance est essentielle : « Nous ne sommes pas dans le « name and shame » ; nous proposons plutôt le “name and honour”. » Le ton est donné par Tatiana F-Salomon : « Pour #JamaisSansElles, le féminisme est un humanisme, l’égalité est notre avenir commun. »
La communauté qui s’est fédérée autour de #JamaisSansElles est très engagée. Elle a amplifié la portée des messages et développé la notoriété du mouvement sur tout le territoire. Elle a donné des ailes à #JamaisSansElles qui est devenu viral.
#JamaisSansElles est le 4e hashtag le plus marquant d’un mouvement collectif depuis 2015, après #JeSuisCharlie, #Metoo et #IceBucketChallenge, selon une étude d’Ifop Opinion »Les Français sur Twitter » réalisée pour FlashTweet. Le hashtag #JamaisSansElles recueille 28% des citations lorsqu’on demande aux utilisateurs de Twitter France de citer les hashtags les plus marquants.
Loin d’être un phénomène éphémère, l’activité du hashtag est durable et n’a cessé de croître depuis 36 mois. Chaque jour, le hashtag est utilisé pour partager des actualités et des commentaires et sensibiliser aux questions relatives à la mixité et à l’égalité hommes-femmes. C’est devenu un puissant vecteur pour interpeller les citoyens, décideurs, organisateurs d’événements ou personnalités politiques sur l’absence de femmes dans les débats publics ou les institutions.
Quelques chiffres mesurées avec Talkwalker* : de janvier 2016 à mars 2019, le hashtag #JamaisSansElles a été associé à plus de 200 000 tweets et retweets, postés par près de 50 000 contributeurs. En tout, cela a généré plus de 350 000 engagements sur Twitter (retweets, favoris, commentaires) et un reach potentiel mensuel moyen de 35,5 millions comptes touchés*.
Pour Natacha Quester-Séméon, porte-parole et responsable de la stratégie digitale de #JamaisSansElles : « La communauté fédérée autour de nos actions interpelle ou s’indigne parfois, mais l’approche de #JamaisSansElles repose essentiellement sur l’action positive. »
« Le digital est dans l’ADN de #JamaisSansElles. L’Appel de 2016 n’est pas une pétition, mais un engagement personnel qui s’applique au quotidien. Les dirigeants y souscrivent à travers un tweet. C’est une action réelle et visible. Avec Twitter, chacun peut aussi participer en partageant largement des informations, des actions pour promouvoir la mixité, et aussi célébrer des rôles modèles féminins. Notre communauté est très active chaque jour. »
La pertinence de l’approche et l’impact politique du travail de fond réalisé au fil des mois a pu se faire sentir à l’occasion de l’épisode politique présidentiel de 2017. Les nominations de femmes dans le gouvernement d’Édouard Philippe ont été analysées et abondamment commentées dans les diverses matinales radio et journaux télévisés de 20h. Mais au-delà de ces nominations, et c’est un fait nouveau, l’attribution de postes clés dans les cabinets ministériels ou à l’Assemblée nationale a été soigneusement examinée. À l’évidence, la place des femmes dans la représentation politique est devenue un sujet mainstream, et il est clair que dorénavant la mixité numérique ne suffit pas : c’est la “mixité qualitative” qui fait débat. Entendons par là la mixité dans l’ensemble des sphères de décision et d’influence, y compris au cœur de l’Élysée, qui demeure hélas encore presque exclusivement masculin.
Les femmes aux postes-clés
Si l’attention portée à l’équilibre et la mixité a été si grande après les échéances électorales de 2017, c’est aussi parce le travail avait été amorcé très en amont au cours de la campagne présidentielle.
Outre la signature de l’Appel #JamaisSansElles initial par plusieurs candidats aux primaires, l’association a proposé une Charte pour les candidats à la présidentielle. Des pics très importants d’audience sur Twitter ont été enregistrés à l’occasion de la signature de cette charte par les candidats Emmanuel Macron et Benoît Hamon, offrant à l’association l’audience d’un nouveau média. De tels pics ont été renouvelés au moment de la formation du premier gouvernement du Président Macron et du remaniement. Avec de nombreuses questions largement partagées : une femme sera-t-elle nommée Première Ministre ? Présidente de l’Assemblée nationale ? Combien y aura-t-il de femmes chefs de cabinets ? Etc.
Les fondatrices Tatiana et Natacha ont une longue expérience de l’engagement associatif de terrain, et depuis une vingtaine d’années, de l’empowerment numérique, avec l’association Les Humains Associés (créée en 1984 et pionnière du web depuis 1994). La communauté a conscience de soutenir l’action à travers le partage sur les réseaux. Cette action ne passe pas par une communication classique ou une campagne marketing, mais la portée de ces messages opérant sur un mode beaucoup plus organique n’en est que plus grande.
Actions dans plusieurs pays
Dès sa création, le principe de #JamaisSansElles a été repris dans de nombreux pays dans le monde. En octobre 2016, dix députés danois ont annoncé sur Twitter s’engager avec #JamaisSansElles, lançant ainsi un large débat dans leur pays
En avril 2018, Michael Roth, Ministre allemand délégué aux Affaires européennes a signé #JamaisSansElles. Il a invité notre co-présidente Tatiana F-Salomon à Berlin en septembre dernier en tant qu’invitée d’honneur de la Fête de l’Europe 2018 qui se déroulait à la villa Borsig, résidence des hôtes du Ministère des Affaires étrangères allemand.
Au niveau international, le mouvement est délégué français du Women 20, groupe d’engagement officiel du G20, qui rassemble des organisations de femmes entrepreneurs du monde entier.
L’histoire du mouvement #JamaisSansElles et de son hashtag
* L’ensemble des données proviennent de l’outil de mesure de référence Talkwalker. Le nombre de mentions indique le nombre de fois qu’un tweet ou retweet avec le hashtag a été compté. Le reach indique le nombre de comptes potentiellement touchées, c’est-à-dire potentiellement exposées aux tweets comprenant le hashtag. Il s’agit de l’ensemble de followers des comptes émetteurs des tweets à un instant t.
Photo : Conférence Numerique Franco-Allemande © Ministère de l’Economie
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